Il est temps d’écrire. L’écriture transcende le réel. Ici nous pouvons tout dire, tout penser, tout juger. Dans l’écriture il n’est rien qui ne puisse être dit. Elle permet de s’affranchir de ses dépendances, de ses fidélités et de rester là avec soi sans sacrifices, sans devoir… Libre. Ici nous pouvons tout oser. Oser le mot est lâché. Que se passe-t-il qu’au dehors nous nous sentions paralysés ? L’autre. L’œil de l’autre. Critique. Pourtant ce sont ses critiques. Propres. Comment se fait-il que nous ne soyons pas capables de s’en tenir aux nôtres ? Ne sont-elles pas tout aussi pertinentes ? Devenons-nous soudainement plus bêtes que nous ne sommes sous le regard de l’autre ? D’où vient ce jugement ? Avons-nous appris à valoriser nos pensées ? Avons-nous appris à leur accorder du crédit ? Oui nous le valons bien et nos pensées sont au plus proches de ce que nous sommes, plus que nos dires. Nous pouvons penser sans mots, nous pouvons sentir, ressentir sans mots… pourtant rien ici ne valorise ce non savoir. Comme s’il n’avait pas lieu, comme s’il venait mettre du bruit sur les savoirs bien pensés… pourtant tous issus de l’homme et de ce qu’il a pu ressentir, pressentir un jour avant que La pensée advienne, avant qu’elle ne soit reconnue de tous comme Savoir. Nous baignons dans le savoir qui sait qu’il a raison. Le non savoir pourtant bel et bien vécu est dénié. Redouté. Il nous plonge dans une langue inconnue difficile à partager. Ce non savoir tellement su, tellement vécu, nous plonge dans une solitude immense. Alors non, il n’est pas valorisé et nous restons comme ça sans jamais oser affirmer ce que nous sommes. Je ne suis pas que ce que je sais. Je suis beaucoup plus ce que je ne sais pas et qui s’impose à moi, réveillant parfois un souvenir, une blessure, un sourire…
Ecrire, librement pour accéder à ce non savoir. Laisser les mots couler hors de nous pour nous purger de cette solitude immense cercueil de notre humanité. Aimer les mots qui nous dorlotent, qui nous tricotent avec amour jusqu’ au moment où épuiser de sens, ils viennent à éveiller une douce chaleur, une tendre larme, un frisson ardent, une caresse soyeuse, une vague de sanglots, une souffrance froide… Ces mots-là, ceux qui coulent du ventre au clavier, ceux-là même qui nous font dire « je suis tellement vivant au-dedans et vous ne percevez que ce que vous percevez du dehors ». Ecrire ces mots-là. Ecrire vraiment. Sans chercher à dire. Ecrire le vivant. Celui qui vit au fond, tout au fond de chacun de nous. Celui qui cherche qui nous sommes. Celui qui sait qui nous sommes. Ecrire.